"Narcisse" de Ovide (1er siècle)



Il dit, et dans son délire il revient considérer la même image ; ses larmes troublent la limpidité des eaux, et l’image s’efface dans leur cristal agité. Comme il la voit s’éloigner : « Où fuis-tu ? s’écrie Narcisse ; oh ! demeure, je t’en conjure : cruelle, n’abandonne pas ton amant. Ces traits que je ne puis toucher, laisse-moi les contempler, et ne refuse pas cet aliment à ma juste fureur ». Au milieu de ses plaintes, il déchire ses vêtements ; de ses bras d’albâtre il meurtrit sa poitrine nue qui se colore, sous les coups, d’une rougeur légère ; elle parut alors comme les fruits qui, rouges d’un côté, présentent de l’autre une blancheur éblouissante, ou comme la grappe qui, commençant à mûrir, se nuance de l’éclat de la pourpre. Aussitôt que son image meurtrie a reparu dans l’onde redevenue limpide, il n’en peut soutenir la vue ; semblable à la cire dorée qui fond en présence de la flamme légère, ou bien au givre du matin qui s’écoule aux premiers rayons du soleil, il languit, desséché par l’amour, et s’éteint lentement, consumé par le feu secret qu’il nourrit dans son âme : déjà il a vu se faner les lis et les roses de son teint ; il a perdu ses forces et cet air de jeunesse qui le charmaient naguère ; ce n’est plus ce Narcisse qu’aima jadis Écho.

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