"Une larme" de Alphonse de Lamartine (1830)
Tombez, larmes silencieuses, Sur une terre sans pitié ; Non plus entre des mains pieuses, Ni sur le sein de l'amitié ! Tombez comme une aride pluie Qui rejaillit sur le rocher, Que nul rayon du ciel n'essuie, Que nul souffle ne vient sécher. Qu'importe à ces hommes mes frères Le coeur brisé d'un malheureux ? Trop au-dessus de mes misères, Mon infortune est si loin d'eux ! Jamais sans doute aucunes larmes N'obscurciront pour eux le ciel ; Leur avenir n'a point d'alarmes, Leur coupe n'aura point de fiel. Jamais cette foule frivole Qui passe en riant devant moi N'aura besoin qu'une parole Lui dise: " Je pleure avec toi ! " Eh bien ! ne cherchons plus sans cesse La vaine pitié des humains ; Nourrissons-nous de ma tristesse, Et cachons mon front dans mes mains. À l'heure où l'âme solitaire S'enveloppe d'un crêpe noir, Et n'attend plus rien de la terre, Veuve de son dernier espoir ; Lorsque l'amitié qui l'o